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La deuxième guerre commence

CELUI-DONT-ON-NE-DOIT-PAS-
PRONONCER-LE-NOM EST DE RETOUR

 

Dans une brève déclaration faite à la presse vendredi soir, Cornélius Fudge, le ministre de la Magie, a confirmé que Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom est revenu dans notre pays et qu’il y est à nouveau actif.

« J’ai le très grand regret de devoir confirmer que le sorcier qui s’est décerné à lui-même le titre de Lord – vous voyez qui je veux dire – est vivant et présent une fois de plus parmi nous », a déclaré Fudge, visiblement fatigué et ébranlé, devant les journalistes. « C’est avec un regret presque égal que je dois vous informer de la révolte massive des Détraqueurs d’Azkaban qui se sont montrés hostiles à la poursuite de leur collaboration avec le ministère de la Magie. Nous pensons que les Détraqueurs se sont à présent placés sous les ordres de Lord Machin. Nous demandons instamment à la population magique de rester vigilante. Le ministère publie actuellement des guides de défense élémentaire des personnes et des biens qui seront distribués gratuitement dans tous les foyers de sorciers au cours des prochains mois. »

La déclaration du ministre a été accueillie avec consternation et inquiétude par la communauté des sorciers qui, pas plus tard que mercredi dernier, recevait du ministère l’assurance qu’il n’y avait « aucune espèce de vérité dans les rumeurs persistantes selon lesquelles Vous-Savez-Qui se manifesterait à nouveau parmi nous ».

Le détail des événements qui ont conduit à la volte-face du ministère reste encore très flou. On pense cependant que Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom, accompagné d’un groupe de fidèles (connus sous le nom de Mangemorts), aurait réussi jeudi soir à pénétrer au sein même du ministère de la Magie.

Albus Dumbledore, nouvellement réintégré dans ses fonctions de directeur de l’école de sorcellerie Poudlard, de membre de la Confédération internationale des sorciers et de président-sorcier du Magenmagot, n’a fait aucune déclaration jusqu’à présent. Tout au long de l’année écoulée, il avait répété avec insistance que Vous-Savez-Qui n’était pas mort, contrairement aux espoirs les plus répandus et que, selon lui, il recommençait à recruter des partisans pour tenter une nouvelle fois de s’emparer du pouvoir. Dans le même temps, le jeune homme surnommé « le Survivant »…

 

— Ah, voilà, Harry, on parle de toi. J’étais sûre qu’ils trouveraient le moyen de te mettre dans le coup, dit Hermione en le regardant par-dessus-son journal.

Ils se trouvaient à l’infirmerie. Harry était assis au pied du lit de Ron et tous deux écoutaient Hermione lire à haute voix la première page du Sorcier du dimanche. Ginny, dont la cheville avait été guérie en un clin d’œil par Madame Pomfresh, était pelotonnée au pied du lit d’Hermione. Neville, dont le nez avait retrouvé sa forme et son volume habituels, était assis sur une chaise entre les deux lits. Luna, qui était passée les voir, tenait fermement entre ses mains la dernière édition du Chicaneur qu’elle lisait à l’envers sans écouter un mot de ce qu’Hermione disait.

— Ça y est, il est redevenu « le Survivant », dit Ron d’un air sombre. Ce n’est plus un cinglé qui cherche uniquement à se faire remarquer.

Il prit une poignée de Chocogrenouilles dans l’énorme tas de friandises posé sur son meuble de chevet, en jeta quelques-uns à Harry, Ginny et Neville et déchira avec les dents le papier du sien. On voyait toujours sur ses bras les marques profondes provoquées par les tentacules du cerveau qui avait failli l’étouffer. À en croire Madame Pomfresh, les pensées pouvaient laisser des cicatrices plus visibles que n’importe quoi d’autre, ou presque, mais depuis qu’elle lui avait appliqué à doses généreuses l’onguent d’amnésie du Dr Oubbly, il semblait y avoir un progrès.

— Oui, maintenant, ils sont très élogieux envers toi, Harry, dit Hermione en parcourant l’article. « La voix solitaire de la vérité… Perçu comme un déséquilibré, il n’a pourtant jamais varié dans son récit… Obligé de supporter railleries et calomnies…» Hmmmm, je remarque, ajouta-t-elle, les sourcils froncés, qu’ils prennent bien soin de ne pas préciser que ce sont eux qui t’ont raillé et calomnié dans La Gazette…

Elle eut une légère grimace et porta une main à ses côtes. Le maléfice dont Dolohov avait fait usage contre elle, bien que moins efficace que s’il avait pu prononcer l’incantation à haute voix, avait néanmoins, selon les propres termes de Madame Pomfresh, « fait déjà assez de dégâts comme ça ». Hermione devait prendre chaque jour dix potions différentes mais elle allait beaucoup mieux et en avait déjà assez de rester à l’infirmerie.

— « La dernière tentative de Vous-Savez-Qui pour prendre le pouvoir, pages 2 à 4. Ce que le ministère aurait dû nous dire, page 5. Pourquoi personne n’a écouté Albus Dumbledore, pages 6 à 8. Une interview exclusive de Harry Potter, page 9…» Eh bien, dit Hermione en repliant le journal qu’elle jeta à côté d’elle, au moins, ils ont de quoi écrire, maintenant. Mais l’interview de Harry n’a rien d’exclusif, c’est celle qui a paru dans Le Chicaneur, il y a plusieurs mois.

— Papa la leur a vendue, dit Luna de son ton absent en tournant une page du Chicaneur. Il en a tiré un bon prix, alors on va pouvoir organiser une expédition en Suède, cet été, pour essayer d’attraper un Ronflak Cornu.

Hermione sembla se faire violence pendant un instant, puis elle répondit :

— En voilà, une bonne idée.

Ginny croisa le regard de Harry et détourna rapidement les yeux en souriant.

— Alors, qu’est-ce qui se passe de beau, à l’école ? demanda Hermione, qui s’était redressée sur ses oreillers avec une nouvelle grimace.

— Flitwick a débarrassé le couloir du marécage de Fred et George, raconta Ginny. Il a fait ça en trois secondes mais il en a laissé un petit carré sous la fenêtre, entouré par un cordon…

— Pourquoi ? s’étonna Hermione.

— Il a dit que c’était vraiment de la très belle magie, répondit Ginny en haussant les épaules.

— Je pense qu’il a voulu en faire un monument à Fred et à George, commenta Ron, la bouche pleine de chocolat. Ce sont eux qui m’ont envoyé tout ça, dit-il à Harry en montrant la petite montagne de Chocogrenouilles à son chevet. Ça doit bien marcher, leur magasin de farces et attrapes.

Hermione eut un air désapprobateur, puis elle demanda :

— Est-ce que les choses s’arrangent maintenant que Dumbledore est de retour ?

— Oui, assura Neville, tout est redevenu normal.

— J’imagine que Rusard est content, non ? dit Ron en posant contre sa cruche d’eau une carte de Chocogrenouille représentant Dumbledore.

— Pas du tout, répondit Ginny, il est vraiment, vraiment malheureux…

Elle ajouta dans un murmure :

— Il n’arrête pas de dire qu’Ombrage était la meilleure chose qui soit jamais arrivée à Poudlard…

Tous les six tournèrent la tête. Le professeur Ombrage était allongée dans un lit, de l’autre côté de la salle, les yeux fixés au plafond. Dumbledore était allé seul dans la forêt pour l’arracher aux centaures. Comment avait-il fait ? Comment avait-il pu émerger d’entre les arbres en soutenant le professeur Ombrage sans avoir une égratignure ? Personne ne le savait et il ne fallait certainement pas compter sur Ombrage pour le raconter. Depuis qu’elle était revenue au château, elle n’avait pas prononcé le moindre mot, à leur connaissance en tout cas. Personne ne savait non plus de quoi elle souffrait. Ses cheveux châtains habituellement si soigneusement coiffés étaient à présent en désordre et parsemés de feuilles et de brindilles, mais elle semblait intacte par ailleurs.

— Madame Pomfresh dit qu’elle est simplement en état de choc, murmura Hermione.

— Je crois plutôt qu’elle boude, assura Ginny.

— Oui, elle montre des signes de vie quand on fait ça, dit Ron.

Avec sa langue il imita le bruit des sabots d’un cheval. Ombrage se redressa brusquement en jetant autour d’elle des regards fébriles.

— Quelque chose ne va pas, professeur ? demanda Madame Pomfresh en passant la tête derrière la porte de son bureau.

— Je… non, j’ai dû rêver…, répondit Ombrage en se laissant retomber sur ses oreillers.

Hermione et Ginny étouffèrent leur rire dans les couvertures.

— En parlant de centaures, dit Hermione lorsqu’elle eut retrouvé un peu de son sérieux, qui est professeur de divination, maintenant ? Est-ce que Firenze va rester ?

— Il est bien obligé, répondit Harry, les autres centaures ne veulent plus de lui.

— Apparemment, Trelawney et lui vont enseigner tous les deux, dit Ginny.

— J’imagine que Dumbledore aurait bien voulu se débarrasser de Trelawney pour de bon, commenta Ron qui en était à son quatorzième Chocogrenouille. Si vous voulez mon avis, c’est cette matière qu’il faudrait supprimer. Firenze n’est pas tellement meilleur qu’elle…

— Comment peux-tu dire ça ? s’indigna Hermione. Alors qu’on vient de s’apercevoir qu’il existe de véritables prophéties.

Le cœur de Harry se remit à battre très vite. Il n’avait révélé ni à Ron, ni à Hermione, ni à personne d’autre le contenu de la prophétie. Neville leur avait simplement raconté qu’elle s’était cassée lorsque Harry l’avait hissé sur les gradins de la chambre de la Mort et Harry n’avait rien ajouté. Il n’avait pas envie de voir l’expression de leur visage lorsqu’il leur expliquerait qu’il n’avait plus désormais d’autre choix possible que de devenir assassin ou victime…

— C’est vraiment dommage qu’elle se soit cassée, dit Hermione à mi-voix en hochant la tête.

— Oui, approuva Ron. Mais au moins, Tu-Sais-Qui ne saura pas non plus ce qu’il y avait dedans… Où tu vas ? ajouta-t-il avec un mélange de surprise et de déception en voyant Harry se lever.

— Heu… chez Hagrid, répondit Harry. Il vient de rentrer et je lui ai promis d’aller le voir pour lui donner de vos nouvelles à tous les deux.

— Ah bon, d’accord, dit Ron d’un air grognon.

Il regarda le carré de ciel bleu que découpait la fenêtre.

— J’aimerais bien qu’on puisse venir avec toi.

— Dis-lui bonjour de notre part ! lança Hermione tandis que Harry se dirigeait vers la porte. Et demande-lui ce qui est arrivé à… à son petit protégé !

Le château semblait très calme, même pour un dimanche. De toute évidence, tout le monde était sorti dans le parc profiter du soleil et de la fin des examens. Les quelques jours qui restaient avant les vacances seraient enfin libérés des devoirs et des révisions. Harry marchait lentement le long du couloir désert, en regardant par les fenêtres. Quelques élèves s’amusaient à voler sur leurs balais au-dessus du terrain de Quidditch et deux ou trois autres nageaient dans le lac, accompagnés par le calmar géant.

Il ne savait plus très bien s’il avait ou non envie de voir des gens. Chaque fois qu’il se trouvait avec quelqu’un, il préférait s’en aller, et dès qu’il était seul il recherchait un peu de compagnie. Mais il songea qu’il irait quand même voir Hagrid à qui il n’avait pas eu l’occasion de parler beaucoup depuis son retour…

Harry venait de descendre la dernière marche de l’escalier de marbre lorsque Malefoy, Crabbe et Goyle surgirent d’une porte située sur la droite et dont il savait qu’elle donnait accès à la salle commune des Serpentard. Harry se figea sur place, Malefoy et les autres également. Pendant un instant, on n’entendit que l’écho lointain des cris, des rires et des bruits de baignade qui leur parvenaient par les portes ouvertes sur le parc.

Malefoy jeta un coup d’œil alentour – Harry savait qu’il voulait vérifier qu’aucun professeur ne se trouvait dans les parages – puis il se tourna à nouveau vers lui et dit à voix basse :

— Tu es mort, Potter.

Harry haussa les sourcils.

— Bizarre, dit-il, dans ce cas, je ne devrais pas être en train de me promener là…

Jamais Harry n’avait vu Malefoy aussi furieux.

Il éprouva une sorte de satisfaction détachée à la vue du visage blafard et pointu, déformé par la rage.

— Tu vas payer, dit Malefoy d’une voix qui n’était plus qu’un murmure. C’est moi qui te ferai payer ce que tu as fait à mon père.

— Me voilà terrifié, répliqua Harry d’un ton sarcastique. J’imagine que Lord Voldemort n’est qu’un hors-d’œuvre à côté de vous trois. Eh bien, qu’est-ce qu’il y a ? ajouta-t-il en voyant Malefoy, Crabbe et Goyle horrifiés à l’évocation du nom. C’est un copain de ton père, non ? Tu n’as pas peur de lui, quand même ?

— Tu te prends pour un grand homme, Potter, dit Malefoy en s’avançant vers lui, flanqué de Crabbe et de Goyle. Mais attends un peu. Je t’aurai. Je ne te laisserai pas envoyer mon père en prison…

— Pourtant, c’est ce que je viens de faire, répliqua Harry.

— Les Détraqueurs ont quitté Azkaban, dit Malefoy à voix basse. Mon père et les autres seront très vite dehors…

— Ça, je n’en doute pas, répondit Harry, mais au moins, maintenant, tout le monde sait à quel point ils sont abjects…

La main de Malefoy plongea sur sa baguette magique mais Harry fut trop rapide pour lui. Il avait dégainé la sienne avant même que les doigts de Malefoy se soient glissés dans la poche de sa robe.

— Potter !

La voix résonna dans tout le hall. Rogue venait d’apparaître en haut de l’escalier qui descendait vers son bureau. En le voyant, Harry sentit monter en lui une bouffée de haine qui dépassait de très loin ce qu’il éprouvait pour Malefoy… Quoi que Dumbledore puisse dire, il ne pardonnerait jamais à Rogue… Jamais…

— Qu’est-ce que vous faites, Potter ? dit Rogue du ton glacial qui lui était coutumier tandis qu’il s’approchait d’eux à grands pas.

— Je suis en train de me demander quel maléfice je vais lancer à Malefoy, monsieur, répondit Harry d’un ton féroce.

Rogue le regarda fixement.

— Rangez immédiatement cette baguette, dit-il sèchement. Dix points en moins pour Gryff…

Rogue jeta un coup d’œil aux sabliers géants nichés dans le mur et eut un sourire narquois.

— Ah, je vois qu’il ne reste plus aucun point à enlever dans le sablier de Gryffondor. Dans ce cas, Potter, nous allons simplement…

— En ajouter ?

Le professeur McGonagall venait tout juste de monter d’un pas pesant les marches de pierre de l’entrée.

Elle portait d’une main un sac de voyage écossais et s’appuyait de l’autre sur une canne, mais paraissait en bonne santé.

— Professeur McGonagall ! lança Rogue qui s’avança aussitôt vers elle. Vous voilà enfin sortie de Ste Mangouste !

— Oui, professeur Rogue, répondit McGonagall en se débarrassant de son manteau de voyage d’un mouvement d’épaules. Et je suis en pleine forme. Vous deux, Crabbe, Goyle, venez là.

Elle leur fit un signe impérieux et ils s’approchèrent en traînant d’un air gauche leurs énormes pieds.

— Tenez, dit-elle en fourrant son sac de voyage dans les mains de Crabbe et son manteau dans celles de Goyle. Allez porter ça dans mon bureau.

Ils tournèrent les talons et montèrent d’un pas lourd l’escalier de marbre.

— Alors, voyons un peu, reprit le professeur McGonagall, le regard levé vers les sabliers. Je pense que Potter et ses amis devraient recevoir cinquante points chacun pour avoir averti le monde du retour de Vous-Savez-Qui ! Qu’en dites-vous, professeur Rogue ?

— Quoi, comment ? rugit Rogue.

Harry savait qu’il avait parfaitement bien entendu.

— Oh, heu… oui… j’imagine que…

— Cela fait donc cinquante points chacun pour Potter, les deux Weasley, Londubat et Miss Granger, poursuivit le professeur McGonagall.

Une pluie de rubis tomba dans la partie inférieure du sablier de Gryffondor.

— Ah ! et aussi cinquante points pour Miss Lovegood, je pense, ajouta-t-elle.

Des saphirs tombèrent dans le sablier de Serdaigle.

— Vous vouliez en enlever dix à Potter, je crois, professeur Rogue… Voilà, c’est fait…

Quelques rubis remontèrent dans la partie supérieure du sablier mais la quantité qui restait au-dessous était encore très respectable.

— Potter, Malefoy, je crois que vous devriez être dehors par une journée aussi splendide, reprit le professeur McGonagall d’un ton vif.

Harry n’eut pas besoin de se le faire dire deux fois. Il remit sa baguette magique dans sa poche et se dirigea tout droit vers la porte d’entrée sans accorder un autre regard à Rogue et à Malefoy.

La chaleur du soleil le frappa de plein fouet tandis qu’il traversait la pelouse pour se rendre à la cabane de Hagrid. Les élèves étendus dans l’herbe autour de lui bronzaient, bavardaient, lisaient Le Sorcier du dimanche ou mangeaient diverses friandises. Ils levèrent tous les yeux vers lui pour le regarder passer, l’appelant ou lui adressant des signes de la main pour bien lui montrer que, tout comme Le Sorcier, ils le considéraient désormais comme un héros. Harry n’adressa la parole à personne. Il n’avait aucune idée de ce qu’ils savaient des événements survenus trois jours plus tôt mais, jusqu’à présent, il avait évité les questions et préférait continuer ainsi.

Lorsqu’il frappa à la porte de la cabane de Hagrid, il crut tout d’abord qu’il n’était pas là, mais Crockdur apparut soudain à l’angle du mur et se rua vers lui avec un tel enthousiasme qu’il faillit le renverser. Hagrid était allé cueillir des haricots dans son jardin.

— Ah, Harry ! dit-il avec un sourire radieux en le voyant s’approcher de la clôture. Viens, on va se boire un petit jus de pissenlit…

Lorsqu’ils se furent assis à la table de bois devant un verre de jus glacé, Hagrid lui demanda :

— Alors, comment ça se passe ? Tu… Tu vas bien ?

En voyant l’expression inquiète de Hagrid, Harry comprit qu’il ne faisait pas allusion à sa santé physique.

— Ça va très bien, répondit-il précipitamment.

Il savait ce que Hagrid avait en tête mais il ne pouvait supporter l’idée d’en parler.

— Et vous, où étiez-vous allé ?

— Je me suis caché dans les montagnes, répondit Hagrid. Au fond d’une caverne, comme Sirius quand il avait…

Hagrid s’interrompit. Il s’éclaircit bruyamment la gorge, regarda Harry et but une longue gorgée.

— Enfin bon, maintenant, je suis de retour, ajouta-t-il d’une voix faible.

— Vous… Vous avez meilleure mine, remarqua Harry qui était décidé à ne pas parler de Sirius.

— Hein ?

Hagrid passa sur son visage une de ses mains massives.

— Ah, oui. Graup se conduit beaucoup mieux, maintenant, beaucoup mieux. Quand je suis revenu, il avait l’air content de me revoir, pour te dire la vérité. C’est un brave garçon… J’ai pensé que je pourrais peut-être lui trouver une compagne…

En temps normal, Harry aurait tout de suite essayé de lui sortir cette idée de la tête. La perspective de voir un deuxième géant, peut-être encore plus sauvage et brutal que Graup, s’installer dans la forêt avait de quoi susciter les plus vives alarmes. Mais Harry était incapable de trouver en lui l’énergie nécessaire pour discuter de la question. Il ressentait déjà l’envie d’être à nouveau seul et se mit à boire son jus de pissenlit à grandes gorgées dans l’intention de hâter son départ.

— Maintenant, tout le monde sait que tu disais la vérité, dit soudain Hagrid à mi-voix. Ça doit être mieux pour toi, non ?

Harry haussa les épaules.

— Écoute…

Hagrid se pencha vers lui par-dessus la table.

— Je connaissais Sirius depuis plus longtemps que toi… Il est mort en combattant, et c’est comme ça qu’il aurait voulu partir…

— Il n’avait pas du tout envie de partir ! répliqua Harry avec colère.

Hagrid inclina sa grosse tête hirsute.

— Non, bien sûr, dit-il à voix basse. Mais quand même, Harry… Il n’était pas du genre à rester chez lui sans rien faire en laissant les autres se battre. Il n’aurait pas pu se supporter s’il n’était pas allé prêter main-forte…

Harry se leva d’un bond.

— Il faut que j’aille voir Ron et Hermione à l’infirmerie, dit-il d’un ton machinal.

— Ah, répondit Hagrid, visiblement peiné. Bon, dans ce cas… prends bien soin de toi et reviens me voir si tu as un mo…

— Ouais… d’accord…

Harry se précipita vers la porte et l’ouvrit. Il était retourné dehors, sous le soleil, avant même que Hagrid ait fini de lui dire au revoir. Lorsqu’il traversa la pelouse dans l’autre sens, des élèves l’appelèrent à nouveau en le voyant passer. Pendant un moment, il ferma les yeux. Il aurait voulu qu’ils disparaissent tous pendant ce temps-là et qu’il n’y ait plus personne dans le parc quand il les rouvrirait…

Quelques jours plus tôt, avant que ses examens soient terminés et qu’il ait eu la vision imposée par Voldemort, il aurait donné presque n’importe quoi pour que le monde des sorciers sache qu’il avait dit la vérité, que Voldemort était bel et bien de retour, qu’il n’était ni un menteur ni un fou. Maintenant, cependant…

Il longea la rive du lac et s’assit à l’abri d’un bouquet d’arbustes qui le cachait à la vue. Les yeux fixés sur la surface étincelante de l’eau, il réfléchissait…

Peut-être voulait-il être seul parce qu’il se sentait coupé des autres depuis sa conversation avec Dumbledore. Une barrière invisible le séparait du reste du monde. Il était – il avait toujours été – un homme marqué. Il n’avait simplement pas compris ce que cela signifiait vraiment…

Pourtant, assis là au bord du lac, avec le poids terrible de son chagrin, la blessure à vif causée par la perte de Sirius, il ne parvenait pas à éprouver de la peur. Le soleil brillait, le parc était rempli d’élèves qui s’amusaient et, même s’il avait le sentiment de leur être aussi étranger que s’il avait appartenu à une autre espèce, il lui était toujours très difficile de croire qu’un meurtre se produirait inéluctablement dans sa vie, qu’un moment viendrait où il lui faudrait tuer ou être tué…

Il resta assis un long moment à contempler l’eau en essayant de ne pas penser à son parrain, de ne pas se souvenir que, de l’autre côté de ce lac, sur la rive opposée, Sirius un jour s’était effondré en combattant une centaine de Détraqueurs…

Le soleil s’était déjà couché lorsqu’il se rendit compte qu’il avait froid. Il se leva alors et retourna au château en s’essuyant le visage avec sa manche.

 

Ron et Hermione, complètement guéris, quittèrent l’infirmerie trois jours avant la fin du trimestre. Hermione manifestait sans cesse le désir de parler de Sirius mais Ron se chargeait de la faire taire chaque fois qu’elle mentionnait son nom. Harry ne savait toujours pas s’il avait envie ou non de parler de son parrain. Ses souhaits variaient selon son humeur. Il était sûr d’une chose, cependant : malgré tout son malheur présent, il regretterait terriblement Poudlard dans quelques jours, lorsqu’il lui faudrait revenir au 4, Privet Drive. Même s’il comprenait très bien désormais pourquoi il devait y retourner chaque été, il n’en était pas plus heureux pour autant. En fait, il n’avait jamais tant redouté ce retour.

Le professeur Ombrage quitta Poudlard la veille de la fin du trimestre. Elle était discrètement sortie de l’infirmerie à l’heure du dîner dans l’espoir de ne pas se faire remarquer. Mais, malheureusement pour elle, elle était tombée sur Peeves qui avait saisi sa dernière occasion de suivre les instructions de Fred et l’avait chassée avec joie du château en se servant tour à tour d’une canne et d’une chaussette remplie de craies pour la rouer de coups. De nombreux élèves s’étaient précipités dans le hall d’entrée pour la regarder s’enfuir le long de l’allée et les directeurs des maisons n’avaient pas fait preuve d’un zèle excessif pour essayer de les en empêcher. Le professeur McGonagall se contenta de quelques faibles remontrances avant de se rasseoir à la table des professeurs et on l’entendit même regretter à haute voix de ne pas pouvoir courir derrière Ombrage en poussant des cris de joie car Peeves lui avait emprunté sa canne.

Puis le moment de leur dernière soirée à l’école arriva. La plupart des élèves avaient fait leurs bagages et descendaient dans la Grande Salle pour le festin de fin d’année mais Harry, lui, n’avait pas encore commencé à préparer sa valise.

— Tu n’auras qu’à t’en occuper demain, dit Ron qui l’attendait à la porte du dortoir. Allez, viens, je meurs de faim.

— Ce ne sera pas long… Vas-y, je te rejoins…

Mais lorsque la porte du dortoir se fut refermée sur Ron, Harry ne fit aucun effort pour accélérer ses préparatifs. S’il y avait une chose dont il n’avait pas envie, c’était bien d’assister au festin de fin d’année. Il avait peur que Dumbledore le mentionne dans son discours. Sans nul doute, il évoquerait le retour de Voldemort. Il en avait déjà parlé l’année précédente…

Harry ôta du fond de sa grosse valise quelques robes chiffonnées pour les remplacer par d’autres, soigneusement pliées, et remarqua alors un paquet mal emballé qui traînait dans un coin, sous une paire de baskets. Il ne savait plus ce qu’il faisait là et se pencha pour l’examiner.

La mémoire lui revint en quelques secondes. Sirius le lui avait donné au moment de quitter le 12, square Grimmaurd. « Je veux que tu t’en serves si tu as besoin de moi, d’accord ? » avait-il dit.

Harry se laissa tomber sur son lit et ouvrit le paquet. Un petit miroir carré en sortit. Il paraissait vieux et en tout cas très sale. Harry le tint devant son visage et vit son reflet le regarder.

Il retourna le miroir. Sirius avait écrit quelque chose au dos :

« Ceci est un Miroir à Double Sens. J’en possède un autre exactement semblable. Si tu as besoin de me parler, prononce mon nom en le regardant. Tu apparaîtras alors dans mon propre miroir et moi, je te parlerai dans le tien. James et moi utilisions ce moyen pour communiquer lorsque nous étions en retenue dans des endroits différents. »

Le cœur de Harry se mit à battre plus vite. Il se souvenait avoir vu ses parents morts dans le Miroir du Riséd quatre ans auparavant. Il allait pouvoir parler à nouveau à Sirius à l’instant même, il le savait…

Il jeta un coup d’œil autour de lui pour s’assurer qu’il n’y avait personne. Le dortoir était désert. Il reporta alors son regard sur le miroir, le leva à hauteur de son visage et prononça distinctement à voix haute le nom de Sirius.

Son souffle embua la surface de verre. Avec un sentiment d’exaltation, il rapprocha encore le miroir mais les yeux qui le regardaient derrière la buée étaient les siens. Il essuya le miroir et répéta à haute voix en détachant soigneusement les syllabes :

— Sirius Black !

Rien ne se produisit. Le visage contrarié qu’il voyait devant lui était toujours le sien…

« Sirius n’avait pas le miroir sur lui lorsqu’il a traversé l’arcade, dit alors une petite voix dans la tête de Harry. Voilà pourquoi ça ne marche pas…»

Harry resta immobile un instant puis il jeta le miroir dans la grosse valise où il se brisa. Pendant une minute, une minute entière, une minute illuminée, il avait été convaincu qu’il allait revoir Sirius, lui parler à nouveau…

La déception lui brûlait la gorge. Il se leva et lança ses affaires pêle-mêle dans la valise, par-dessus le miroir brisé.

Une idée lui vint alors en tête… Une idée bien meilleure que celle du miroir… Bien plus importante… Pourquoi n’y avait-il pas pensé avant ? Pourquoi n’avait-il jamais posé la question ?

Il se précipita hors du dortoir et dévala l’escalier en spirale en se cognant contre les murs mais il s’en aperçut à peine. Il traversa à toutes jambes la salle commune entièrement vide, franchit le trou dissimulé par le portrait et courut le long du couloir sans prêter attention à la grosse dame qui lui criait :

— Le festin est sur le point de commencer, il faudrait se dépêcher !

Mais Harry n’avait aucune intention d’assister au festin…

Ce château était rempli de fantômes qui se manifestaient toujours quand on ne leur demandait rien. Maintenant, cependant…

Il descendit des escaliers et parcourut des couloirs sans rencontrer personne, ni vivant, ni mort. De toute évidence, tout le monde était rassemblé dans la Grande Salle. Le souffle court, il arriva devant la classe de sortilèges en songeant avec une tristesse inconsolable qu’il lui faudrait attendre la fin du festin…

Mais au moment où il perdait espoir, il le vit enfin : une silhouette translucide qui flottait au bout du couloir.

— Hé ! Hé, Nick ! NICK !

Le fantôme se retourna alors qu’il avait déjà à moitié traversé le mur, révélant le chapeau aux plumes extravagantes et la tête dangereusement chancelante de Sir Nicholas de Mimsy-Porpington.

— Bonsoir, dit-il avec un sourire en sortant le reste de son corps de l’épais mur de pierre. Je ne suis donc pas le seul à n’avoir pas encore fait mon apparition au festin ? Un mot qui a un sens très différent pour moi, bien sûr…, soupira-t-il.

— Nick, puis-je vous demander quelque chose ?

Une expression très étrange passa sur le visage de Nick Quasi-Sans-Tête. Il glissa un doigt dans la fraise qui lui entourait le cou pour la redresser un peu, cherchant apparemment à se donner le temps de réfléchir. Lorsque sa tête partiellement tranchée sembla sur le point de tomber, il interrompit enfin son geste.

— Heu… maintenant, Harry ? interrogea Nick, décontenancé. Cela ne pourrait pas attendre la fin du festin ?

— Non… Nick, s’il vous plaît, insista Harry. J’ai vraiment besoin de vous parler. On peut aller là ?

Harry ouvrit la porte de la classe la plus proche. Nick Quasi-Sans-Tête poussa un soupir.

— Très bien, dit-il, résigné. Je ne peux pas prétendre que je ne m’y attendais pas.

Harry tenait la porte ouverte pour le laisser passer, mais Nick préféra traverser le mur.

— Vous vous attendiez à quoi ? demanda Harry en refermant la porte.

— À ce que vous veniez me trouver, répondit Nick qui flotta jusqu’à la fenêtre et contempla le parc où le soir tombait. C’est quelque chose qui arrive parfois… Lorsque quelqu’un a subi… une perte.

— Eh bien, vous avez raison, dit Harry, refusant de se laisser démonter. Je suis venu vous voir pour cela.

Nick ne répondit rien.

— C’est simplement parce que…, reprit Harry, qui trouvait soudain la situation plus embarrassante qu’il ne l’aurait pensé, parce que… vous êtes mort. Et pourtant, vous êtes quand même là…

Nick soupira à nouveau en continuant de regarder le parc.

— C’est vrai, non ? poursuivit Harry d’un ton pressant. Vous êtes mort mais je vous parle… Vous pouvez vous promener dans Poudlard et faire plein d’autres choses…

— Oui, répondit Nick Quasi-Sans-Tête à voix basse. Je me promène et je parle, en effet.

— Et donc, vous êtes revenu ? insista Harry. Les gens peuvent revenir, non ? Sous forme de fantômes. Ils ne sont pas obligés de disparaître complètement. C’est bien cela ? ajouta-t-il avec impatience devant le silence de Nick.

Nick Quasi-Sans-Tête hésita puis répondit :

— Tout le monde ne peut pas revenir sous forme de fantôme.

— Qu’est-ce que vous voulez dire ? demanda précipitamment Harry.

— C’est réservé… aux sorciers.

— Ah, dit Harry.

Il éprouva un tel soulagement qu’il faillit éclater de rire.

— Alors, ça va, puisque la personne dont je parle est un sorcier. Il peut donc revenir, n’est-ce pas ?

Nick se détourna de la fenêtre et observa Harry d’un air lugubre.

— Il ne reviendra pas.

— Qui ?

— Sirius Black, dit Nick.

— Mais vous, vous êtes revenu ! répliqua Harry avec colère. Vous êtes bien là… Vous êtes mort, mais vous n’avez pas disparu…

— Les sorciers peuvent laisser sur terre une empreinte de ce qu’ils étaient de leur vivant, ils peuvent revenir se promener sous une forme affaiblie là où leur personne existait autrefois, dit Nick d’un ton accablé. Mais très peu d’entre eux choisissent cette voie.

— Et pourquoi pas ? dit Harry. D’ailleurs, ça n’a pas d’importance, Sirius s’en fiche que ça n’arrive pas souvent, il reviendra, je sais qu’il reviendra !

Sa conviction était si forte que, pendant un bref instant, il tourna la tête vers la porte comme s’il était sûr de voir Sirius, transparent et nacré mais le sourire radieux, la traverser et s’avancer vers lui.

— Il ne reviendra pas, répéta Nick. Il aura… continué.

— Qu’est-ce que vous entendez par « il aura continué » ? dit aussitôt Harry. Continué où ? Écoutez… Que se passe-t-il quand on meurt ? Où va-t-on ? Pourquoi est-ce que tout le monde ne revient pas ? Pourquoi n’y a-t-il pas plein de fantômes partout ? Pourquoi ?

— Je ne peux pas répondre, dit Nick.

— Vous êtes mort, non ? s’exclama Harry d’un ton exaspéré. Qui peut répondre mieux que vous ?

— J’avais peur de la mort, expliqua Nick à mi-voix. J’ai choisi de rester en arrière. Parfois, je me demande si je n’aurais pas dû… En fait, on n’est ni ici, ni là-bas… Je ne suis ni ici, ni là-bas…

Il eut un petit rire triste.

— Je ne sais rien des secrets de la mort, Harry, car j’ai choisi de la remplacer par ma faible imitation de vie. Je crois que de savants sorciers étudient la question au Département des mystères…

— Ne me parlez pas de cet endroit ! répliqua Harry avec hargne.

— Je suis navré de n’avoir pas pu vous être plus utile, dit Nick avec douceur. Et maintenant, excusez-moi… le festin, vous comprenez…

Il quitta la pièce, laissant Harry seul, ses yeux au regard vide fixés sur le mur que Nick venait de traverser.

Harry avait presque l’impression d’avoir perdu son parrain une deuxième fois en perdant l’espoir de le voir ou de lui parler à nouveau. Il sortit de la classe et parcourut lentement, misérablement, le château vide en se demandant s’il lui arriverait un jour de retrouver un peu de joie de vivre.

Il avait tourné le coin du couloir qui menait au portrait de la grosse dame lorsqu’il vit devant lui quelqu’un qui affichait un parchemin sur un panneau accroché au mur. En regardant plus attentivement, il s’aperçut que c’était Luna. Il n’y avait pas de cachette à proximité, elle avait sûrement entendu le bruit de ses pas et, de toute façon, en cet instant, Harry n’avait même plus suffisamment d’énergie pour éviter qui que ce soit.

— Salut, dit Luna de son ton absent en se détournant du panneau d’affichage.

— Comment se fait-il que tu ne sois pas au festin ? s’étonna Harry.

— J’ai perdu toutes mes affaires, répondit Luna d’un air serein. Les gens me les prennent et les cachent. Mais comme c’est notre dernier soir, j’en ai vraiment besoin, alors je mets des annonces pour les retrouver.

Elle montra d’un geste le panneau sur lequel elle avait épinglé une liste de tous les livres et de tous les vêtements qui lui manquaient en demandant instamment qu’on les lui rapporte.

Un sentiment étrange envahit Harry, une émotion très différente de la colère et du chagrin qu’il avait éprouvés depuis la mort de Sirius. Il mit quelques instants à comprendre qu’il ressentait de la compassion pour Luna.

— Pourquoi est-ce que les gens cachent tes affaires, demanda-t-il, les sourcils froncés.

— Oh… je ne sais pas, répondit-elle avec un haussement d’épaules, je pense qu’ils me trouvent un peu bizarre. Certaines personnes m’appellent Loufoca Lovegood.

Harry la regarda et son sentiment de pitié s’intensifia douloureusement.

— Ce n’est pas une raison pour te prendre tes affaires, dit-il. Tu veux que je t’aide à les retrouver ?

— Oh non, répondit-elle avec un sourire. Elles finiront bien par revenir, comme toujours. Simplement, j’aurais voulu faire mes bagages ce soir. Au fait… et toi, pourquoi tu n’es pas au festin ?

Harry haussa les épaules.

— Je n’en avais pas très envie.

— Non, j’imagine, dit Luna en l’observant de ses yeux globuleux étrangement embués. Cet homme que les Mangemorts ont tué, c’était ton parrain, non ? Ginny me l’a dit.

Harry acquiesça d’un bref signe de tête mais, pour une raison qu’il ignorait, le fait que Luna lui parle de Sirius ne le dérangeait pas. Il se souvenait qu’elle aussi pouvait voir les Sombrals.

— Est-ce que tu as…, commença-t-il. Je veux dire, qui… Tu as connu quelqu’un qui est mort ?

— Oui, répondit simplement Luna. Ma mère. C’était une sorcière extraordinaire, tu sais, mais elle aimait bien faire des expériences, et un jour, un de ses sortilèges a très mal tourné. J’avais neuf ans.

— Je suis désolé, marmonna Harry.

— Oui, c’était assez horrible, dit Luna sur le ton de la conversation. Parfois, je suis très triste en y pensant. Mais j’ai toujours papa. Et d’ailleurs, je reverrai ma mère un jour, n’est-ce pas ?

— Heu… Tu crois ? demanda Harry, incertain.

Elle hocha la tête d’un air incrédule.

— Allons donc, tu les as entendus, derrière le voile, non ?

— Tu veux dire…

— Dans cette pièce avec l’arcade. Ils se cachaient pour qu’on ne les voie pas, c’est tout. Tu les as entendus aussi bien que moi.

Ils se regardèrent un long moment. Luna avait un léger sourire. Harry ne savait plus quoi dire ni penser. Luna croyait à tant de choses extraordinaires… Pourtant, lui aussi avait entendu des voix derrière le voile.

— Tu es sûre, tu ne veux pas que je t’aide à chercher tes affaires ? demanda-t-il.

— Oh, non, répondit Luna. Non, je pense que je vais simplement descendre manger un peu de gâteau et attendre qu’elles reviennent… Je finis toujours par les récupérer… Alors, bonnes vacances, Harry.

— Oui… Toi aussi.

Elle s’éloigna dans le couloir et il s’aperçut, en la regardant partir, que le poids terrible qui pesait sur lui s’était un peu allégé.

 

Le lendemain, le voyage de retour par le Poudlard Express fut riche en péripéties. Tout d’abord, Malefoy, Crabbe et Goyle, qui avaient manifestement attendu toute la semaine l’occasion de pouvoir frapper loin du regard des professeurs, tendirent une embuscade à Harry en plein milieu du train, au moment où il revenait des toilettes. L’attaque aurait pu réussir s’ils n’avaient eu l’idée de la déclencher devant un compartiment rempli de membres de l’A.D. qui, voyant la scène à travers la vitre, se levèrent d’un même mouvement pour se précipiter au secours de Harry. Lorsque Ernie Macmillan, Hannah Abbot, Susan Bones, Justin Finch-Fletchley, Anthony Goldstein et Terry Boot eurent fini de faire pleuvoir sur eux une large variété de sortilèges et de maléfices que Harry leur avait enseignés, Malefoy, Crabbe et Goyle ressemblaient à trois gigantesques limaces boudinées dans un uniforme de Poudlard. Harry, Ernie et Justin les hissèrent dans le filet à bagages et les laissèrent là, gluants et visqueux.

— Je dois dire que j’attends avec impatience de voir la tête que va faire la mère de Malefoy quand son fils descendra du train, commenta Ernie d’un ton satisfait en regardant Malefoy se tortiller au-dessus de lui.

Ernie ne lui avait jamais pardonné la façon indigne dont il avait enlevé des points à Poufsouffle lorsqu’il était membre de l’éphémère brigade inquisitoriale.

— La mère de Goyle sera beaucoup plus contente, dit Ron qui était venu voir d’où venait tout ce bruit. Il est beaucoup mieux comme ça… En tout cas, Harry, le chariot de friandises vient d’arriver, si tu veux quelque chose…

Harry remercia les autres et accompagna Ron jusqu’à leur compartiment où il acheta un gros tas de Fondants du Chaudron et de Patacitrouilles. Hermione lisait La Gazette du sorcier, Ginny faisait un jeu dans Le Chicaneur et Neville caressait son Mimbulus Mimbletonia qui avait beaucoup grandi au cours de l’année et se mettait à chantonner étrangement dès qu’on le touchait.

Harry et Ron passèrent le temps à jouer aux échecs magiques tandis qu’Hermione leur lisait des extraits de La Gazette. À présent, elle était pleine d’articles sur la façon de repousser des Détraqueurs ou sur les tentatives du ministère de la Magie pour retrouver les Mangemorts, ainsi que de lettres hystériques dont les auteurs prétendaient avoir vu Lord Voldemort passer devant chez eux le matin même…

— Ça n’a pas encore réellement commencé, soupira Hermione d’un air sombre en repliant le journal, mais ce ne sera plus très long, maintenant…

— Hé, Harry, dit Ron à voix basse en montrant le couloir d’un signe de tête.

Harry regarda Cho passer en compagnie de Marietta, la tête cachée sous une cagoule. Pendant un instant, il croisa le regard de Cho qui rougit et poursuivit son chemin puis il s’intéressa à nouveau à l’échiquier, juste à temps pour voir un de ses pions chassé de sa case par un cavalier de Ron.

— Au fait, heu… qu’est-ce qui se passe entre vous deux ? murmura Ron.

— Rien, répondit Harry, en toute sincérité.

— J’ai… heu… entendu raconter qu’elle sortait avec quelqu’un d’autre, maintenant, dit timidement Hermione.

Harry s’aperçut avec une certaine surprise que cette information ne l’affectait en aucune manière. L’envie d’impressionner Cho appartenait à un passé révolu auquel il ne se sentait plus vraiment lié. D’ailleurs, il en était ainsi de beaucoup de choses qu’il avait désirées avant la mort de Sirius… La semaine qui s’était écoulée depuis qu’il avait vu son parrain pour la dernière fois lui avait paru durer beaucoup, beaucoup plus longtemps. Elle s’étendait entre deux mondes, celui où Sirius avait été présent et celui où il n’était plus là…

— C’est une bonne chose pour toi, mon vieux, dit Ron avec conviction. Oh bien sûr, elle est jolie mais il te faudrait quelqu’un d’un peu plus joyeux.

— Elle doit sans doute être très joyeuse avec un autre, dit Harry en haussant les épaules.

— Et avec qui elle est, maintenant ? demanda Ron à Hermione, mais ce fut Ginny qui répondit.

— Michael Corner, dit-elle.

— Michael, mais…, s’étonna Ron en tendant le cou pour mieux la voir. C’est toi qui sortais avec lui !

— Plus maintenant, assura Ginny. Il n’était pas content que Gryffondor ait battu Serdaigle au Quidditch. Il faisait tout le temps la tête, alors je l’ai laissé tomber et il s’est consolé avec Cho.

Elle se gratta le nez d’un air distrait avec l’extrémité de sa plume, retourna Le Chicaneur et commença à cocher les réponses à son jeu. Ron parut enchanté.

— J’ai toujours pensé qu’il était un peu idiot, dit-il en avançant sa reine vers une tour de Harry. (La tour se mit à trembler.) C’est très bien pour toi, la prochaine fois, tu choisiras peut-être quelqu’un… de mieux.

Il jeta à Harry un coup d’œil étrangement furtif.

— Maintenant, j’ai choisi Dean Thomas. Tu le trouves mieux ? demanda Ginny d’un ton absent.

— QUOI ? s’écria Ron en renversant l’échiquier.

Pattenrond se précipita sur les pièces et Hedwige et Coquecigrue se mirent à hululer et à pépier d’un air courroucé sur leur filet à bagages.

Lorsque le train ralentit à l’approche de la gare de King’s Cross, Harry songea que jamais il n’avait eu si peu envie d’en descendre. Il se demanda même pendant un bref instant ce qui se passerait s’il refusait de sortir et restait obstinément assis là jusqu’au 1er septembre où le train le ramènerait à Poudlard. Mais, dès que le convoi se fut enfin immobilisé, il prit la cage d’Hedwige et se prépara, comme d’habitude, à quitter le wagon en traînant sa grosse valise derrière lui.

Quand le poinçonneur leur fit signe qu’ils pouvaient franchir sans risque la barrière magique entre les quais 9 et 10, une surprise attendait Harry de l’autre côté : un véritable comité d’accueil était venu à sa rencontre.

Il aperçut Maugrey Fol Œil, qui paraissait aussi sinistre avec son chapeau melon enfoncé sur son œil magique que s’il était resté tête nue. Ses mains noueuses tenaient un grand bâton et son corps était enveloppé d’une grosse cape de voyage. Tonks se tenait juste derrière lui, ses cheveux d’un rose chewing-gum brillant à la lumière du soleil qui filtrait à travers la verrière crasseuse de la gare. Elle était vêtue d’un jean abondamment rapiécé et d’un T-shirt violet sur lequel on pouvait lire : « Les Bizarr’ Sisters ». Lupin était à côté d’elle, le teint pâle, les cheveux grisonnants, un long pardessus usé couvrant un pantalon et un pull-over miteux. Enfin, parés de leurs plus beaux atours de Moldus, Mr et Mrs Weasley menaient le groupe, accompagnés de Fred et de George qui arboraient des blousons flambant neufs d’un vert criard.

— Ron, Ginny ! appela Mrs Weasley en se précipitant vers ses enfants pour les serrer dans ses bras. Oh, et Harry… Comment vas-tu ?

— Très bien, mentit Harry tandis qu’elle l’étreignait à son tour.

Par-dessus l’épaule de Mrs Weasley, Harry vit Ron regarder avec des yeux ronds les nouveaux vêtements des jumeaux.

— Et c’est en quoi, ça ? demanda-t-il en montrant les blousons du doigt.

— En peau de dragon de la meilleure qualité, petit frère, dit Fred en tirant d’un petit coup sec sur sa fermeture Éclair. Les affaires marchent à merveille et on s’est dit qu’on pouvait bien s’offrir un petit cadeau.

— Bonjour, Harry, dit Lupin lorsque Mrs Weasley le lâcha pour se tourner vers Hermione.

— Bonjour, dit Harry. Je ne m’attendais pas… Qu’est-ce que vous faites tous là ?

— Eh bien, répondit Lupin avec un léger sourire, nous avons pensé qu’il serait bon d’avoir une petite conversation avec ta tante et ton oncle avant qu’ils te ramènent à la maison.

— Je ne sais pas si c’est une bonne idée, dit aussitôt Harry.

— Oh, je crois que si, grogna Maugrey qui s’était rapproché de son pas claudicant. C’est eux, là-bas, non, Potter ?

Il pointa le pouce par-dessus son épaule, son œil magique regardant derrière lui, à travers le chapeau melon. Harry se pencha légèrement vers la gauche et aperçut en effet les trois Dursley, visiblement épouvantés par le comité de réception venu accueillir Harry.

— Ah, Harry ! dit Mr Weasley.

Il se détourna des parents d’Hermione qu’il avait salués avec enthousiasme et qui étreignaient à présent leur fille à tour de rôle.

— Alors, on y va ?

— Oui, je pense que c’est le moment, répondit Maugrey.

Suivis des autres, Mr Weasley et lui se dirigèrent vers les Dursley qui paraissaient plantés sur place. Hermione se dégagea doucement des bras de sa mère pour se joindre au groupe.

— Bonjour, dit Mr Weasley d’un ton aimable à l’oncle Vernon en s’arrêtant devant lui. Vous vous souvenez peut-être de moi ? Je m’appelle Arthur Weasley.

Mr Weasley ayant à moitié démoli à lui tout seul le salon des Dursley deux ans auparavant, Harry aurait été surpris que l’oncle Vernon l’ait oublié si facilement. Et en effet, son oncle, le teint de plus en plus violacé, lui lança un regard noir, tout en estimant préférable de ne rien dire, sans doute parce que les Dursley étaient deux fois moins nombreux. La tante Pétunia semblait à la fois effrayée et embarrassée. Elle ne cessait de jeter des coups d’œil autour d’elle comme si elle était terrifiée à l’idée que quelqu’un qu’elle connaissait puisse la surprendre en pareille compagnie. Dudley, lui, s’efforçait de paraître tout petit et insignifiant, un exploit qu’il était totalement incapable d’accomplir.

— Nous voulions vous parler un peu de Harry, dit Mr Weasley, toujours souriant.

— Ouais, grogna Maugrey. Au sujet de la façon dont vous le traitez quand il est chez vous.

La moustache de l’oncle Vernon sembla se hérisser d’indignation. Peut-être parce que le chapeau melon de Maugrey lui donnait la fausse impression qu’il avait affaire à quelqu’un de son espèce, il s’adressa à lui :

— À ma connaissance ce qui se passe chez moi ne vous regarde pas…

— Je crois que ce qui échappe à votre connaissance remplirait plusieurs volumes, Dursley, gronda Maugrey.

— De toute façon, la question n’est pas là, intervint Tonks.

Ses cheveux roses semblaient choquer la tante Pétunia plus encore que tout le reste et elle préféra fermer les yeux plutôt que de la regarder.

— La question, c’est que si jamais on apprend que vous avez été odieux avec Harry…

— Et ne vous y trompez pas, nous le saurons, ajouta Lupin d’un ton aimable.

— Oui, assura Mr Weasley, nous le saurons même si vous l’empêchez de se servir du fêlétone…

— Téléphone, souffla Hermione.

— Ouais, si jamais on a le moindre soupçon que Potter a été maltraité de quelque manière que ce soit, c’est à nous que vous devrez en répondre, avertit Maugrey.

L’oncle Vernon gonfla la poitrine d’un air menaçant. Son indignation semblait l’emporter sur la peur que lui inspirait cette bande d’olibrius.

— S’agit-il de menaces, monsieur ? dit-il, si fort que des passants tournèrent la tête vers lui.

— En effet, répondit Fol Œil apparemment satisfait que l’oncle Vernon ait compris si rapidement le message.

— Et vous croyez que je suis le genre d’homme à me laisser intimider ? aboya l’oncle Vernon.

Maugrey repoussa son chapeau melon pour découvrir son œil magique qui pivotait en tous sens d’un air sinistre. Horrifié, l’oncle Vernon fit un bond en arrière et se cogna douloureusement contre un chariot à bagages.

— Eh bien… oui, dit Maugrey, je crois que vous êtes ce genre d’homme.

Il se tourna ensuite vers Harry.

— Alors, Potter… préviens-nous si tu as besoin d’aide. Si on n’a pas de nouvelles de toi trois jours de suite, on enverra quelqu’un pour voir ce qui se passe…

La tante Pétunia laissa échapper un gémissement pitoyable. On lisait clairement sur son visage qu’elle pensait à ce que diraient les voisins s’ils voyaient ces gens-là pénétrer dans son jardin.

— Bon, eh bien, au revoir, Potter, dit Maugrey en serrant d’une main noueuse l’épaule de Harry.

— Prends bien soin de toi, Harry, dit Lupin à voix basse. Donne de tes nouvelles.

— Harry, nous te ferons sortir de là dès que possible, murmura Mrs Weasley en l’étreignant à nouveau.

— À bientôt, mon vieux, dit Ron d’un ton anxieux en lui serrant la main.

— À très bientôt, Harry, ajouta Hermione avec gravité. On te le promet.

Harry acquiesça d’un signe de tête. Il n’arrivait pas à trouver les mots pour exprimer ce que signifiait à ses yeux le fait de les voir ainsi tous rassemblés à ses côtés. Il se contenta de sourire, leur adressa de la main un signe d’adieu puis tourna les talons et s’avança d’un pas résolu vers la rue ensoleillée, suivi de l’oncle Vernon, de la tante Pétunia et de Dudley qui se hâtaient derrière lui.

 

FIN

Harry Potter et l'ordre du Phénix
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